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Liban - En toute liberté

Paolo Dall’Oglio, martyr d’une révolution « traînée dans la boue »

Fera-t-on au père Polo Dall’Oglio l’aumône, même posthume, de réclamer – pour le principe – sa libération, comme on le fait des deux évêques Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim ? Le 29 juillet dernier, ce prêtre jésuite installé au monastère de Mar Moussa, près de Damas, depuis plus de 30 ans, puis expulsé de Syrie par le régime, disparaissait à Raqqa (nord-est de la Syrie, chef-lieu de province), contrôlée par la « révolution », où il était revenu clandestinement. Depuis, plus personne n’en a entendu parler et n’a publiquement revendiqué sa libération.


La veille, le 28 juillet, Paolo Dall’Oglio était acclamé par la population de Raqqa, la première ville dont les troupes régulières syriennes avaient été complètement évincées. Il y était revenu pour tenter une médiation entre l’Armée syrienne libre et les forces de l’État islamique d’Irak et du Levant.
En effet, après l’expulsion des troupes régulières du régime syrien, les Kurdes, longtemps discriminés, espéraient mettre à profit la situation pour accomplir leur rêve d’autonomie. C’était sans compter avec les jihadistes de Jabhat el-Nosra, liés à el-Qaëda, et leur volonté d’y imposer la loi islamique.


Mais ce n’était pas tout. Une profonde mutation idéologique et politique s’était produite dans le groupe. En avril 2013, des éléments du groupe, renforcé par des milliers de nouvelles recrues, avaient fait sécession, quittant la lutte purement syrienne pour revendiquer la création d’un État islamique d’Irak et du Levant (EIIL) dans la vallée de l’Euphrate, avec Raqqa pour capitale. À la mi-août, l’Armée syrienne libre était chassée par ses alliés d’hier de la première grande ville passée sous son contrôle, tandis que ses autorités municipales étaient faites prisonnières.


Bravant l’interdiction du régime qui l’avait expulsé en juin 2012 pour sa dénonciation de ses crimes massifs, le père Paolo était revenu d’Irak, pays d’implantation de sa nouvelle communauté, pour tenter des médiations et éviter l’embrasement sur de nouveaux fronts. Et il s’était rendu à Raqqa.


« Je suis venu pour rencontrer la société civile et les chefs des groupes armés. Je voudrais qu’à Raqqa se fassent les premiers pas d’une réconciliation entre opposants. Je jeûne et fais le ramadan pour demander à Dieu la grâce de l’unité pour le peuple syrien. Notre jihad (combat), c’est pour la démocratie... Le berceau de la révolution ne doit pas devenir son tombeau », avait déclaré le prêtre à la journaliste de la chaîne de télévision arabe al-Aan, présente à Raqqa.
Le 29 juillet, dans le cadre d’une démarche pour obtenir de l’EIIL la libération d’un conseiller municipal qu’il connaissait bien, le père décida de se rendre auprès des chefs de ce groupe et... ne donna plus signe de vie. À la population manifestant à plusieurs reprises devant le siège de l’EIIL à Raqqa pour réclamer sa libération, il aurait été répondu que Paolo Dall’Oglio était leur « hôte ».


Ce n’était pas la première médiation entre révolutionnaires que le père Paolo tentait. Du dimanche 17 mai au 4 juin, il s’était déjà installé à Qousseir, pour tenter de promouvoir une médiation entre musulmans et chrétiens, alors en proie à de graves dissensions, avec de nombreux enlèvements de chrétiens par l’Armée syrienne libre. Avant de se rendre à Raqqa, le père Paolo avait également annoncé qu’il se rendrait aussi sur tous les lieux où des massacres avaient été commis, pour y prier et jeûner, en signe de réparation.


Tout laisse croire que la dernière visite du père Paolo à Raqqa était une démarche christique, qu’il s’y est rendu dans la conscience d’un sacrifice volontairement assumé. Ce fut sa façon de donner sa vie pour la révolution. Dans son livre La rage et la lumière : un prêtre dans la révolution syrienne publié en mai 2013, il écrivait dans un chapitre tenant lieu de testament : « La révolution pour la liberté a été traînée dans la boue d’une guerre civile entre musulmans sunnites et chiites alaouites... Cette guerre civile m’est insupportable. Je voudrais faire quelque chose pour l’arrêter. »


L’histoire dira si le sacrifice du père Paolo Dall’Oglio fut vain. Mais indépendamment de cette immolation, on peut se poser des questions sur la justesse de ses choix politiques. Dans son ouvrage, il écrivait par exemple qu’en cas de victoire de la révolution syrienne, « des dix pour cent de chrétiens que comptait la Syrie, il ne devrait rester qu’un pour cent et demi » (p. 64). C’était avant l’actuelle redistribution des cartes.


En tout état de cause, les choix politiques du père Dall’Oglio étaient ceux d’un idéaliste de la révolution qui se situe aux antipodes de la realpolitik ; d’un homme qui croit profondément au dialogue islamo-chrétien et à la démocratie, « une magnifique invention de la rationalité humaine qui permet de dépasser les guerres » (page 26). D’une façon presque christique, le religieux disait depuis le début de la révolution vouloir prendre sur lui toute la souffrance des Syriens.
Pour le bureau de presse de l’Édition missionnaire italienne (EMI), qui a annoncé pour octobre la publication de la version italienne de son livre La rage et la lumière, l’ouvrage est « avant tout un cri, celui d’un homme, un jésuite consacré à l’amour de Jésus pour les musulmans, qui a dédié trente années de sa vie au dialogue islamo-chrétien, sans jamais cesser de construire des ponts et qui, en quelques mois, a vu tout cela s’écrouler dans une horreur indicible ».
Le père Dall’Oglio, poursuivent les Éditions, « témoigne des espérances du peuple syrien qui lutte pour sa liberté, en dépit des silences hypocrites et des hésitations de l’Occident ».


Ceux qui, aujourd’hui, prennent par prudence le parti du régime syrien, sous prétexte qu’il s’agit d’un « moindre mal », restent dans l’obligation morale, après le sacrifice de Paolo Dall’Oglio, d’en dénoncer l’arbitraire aussi vigoureusement qu’ils le peuvent. On l’a déjà dit : c’est le fait d’avoir choisi de régler la crise démocratique syrienne par la voix sécuritaire qui a fait le lit du jihadisme. Seule l’ouverture démocratique en Syrie peut racheter ce choix ambigu et lâche.

 

Pour mémoire

Les chrétiens d’Orient main dans la main contre une intervention en Syrie

 

La foi contre la violence

 

 

Fera-t-on au père Polo Dall’Oglio l’aumône, même posthume, de réclamer – pour le principe – sa libération, comme on le fait des deux évêques Boulos Yazigi et Youhanna Ibrahim ? Le 29 juillet dernier, ce prêtre jésuite installé au monastère de Mar Moussa, près de Damas, depuis plus de 30 ans, puis expulsé de Syrie par le régime, disparaissait à Raqqa (nord-est de...

commentaires (6)

Il aura 70 vierges au paradis.

Daniel Lange

23 h 55, le 22 octobre 2013

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Commentaires (6)

  • Il aura 70 vierges au paradis.

    Daniel Lange

    23 h 55, le 22 octobre 2013

  • Pauvre vieux...

    GEDEON Christian

    15 h 02, le 22 octobre 2013

  • DIVAGATION ! DIVAGATION !

    SAKR LOUBNAN

    12 h 46, le 22 octobre 2013

  • la propagande pour ce prêtre , qui est pour les rebelles ! il voit maintenant, ce que sont ces individus. je vois que les libanais critiquaient les interventions de la Syrie dans la politique du Liban. mais eut ne se cachent pas d'intervenir dans la situation en Syrie, car ils espèrent une Syrie à leur botte, suivant le pays de Bush ,qui voulait donner le pays à hariri

    Talaat Dominique

    11 h 26, le 22 octobre 2013

  • LES ABRUTIS ECCLÉSIASTIQUES, SURTOUT SYRIENS, RÉCLAMENT LA LIBÉRATION DE CEUX QU'ILS JUGENT PRO RÉGIME COMME EUX... PAR PEUR OU CONTRAINTE... AU NOM DES MINORITÉS QU'ILS "CROIENT" SERVIR PAR LEUR FAUSSE ATTITUDE... DEL OGLIO EST AVEC LE PEUPLE. IL N'EST PAS VENDU ! COMPRENNE QUI VOUDRA...

    SAKR LOUBNAN

    10 h 47, le 22 octobre 2013

  • Après son expulsion de Syrie, le père Paolo Dall'Oglio vient à Beyrouth le 12 juin 2012 et y reste quelques jours. Le correspondant du New York Times dans la capitale libanaise le rencontre aussitôt et lui demande une interview. Il déclare justement au journal américain: "la militarisation par le régime syrien des manifestations pacifiques pour la liberté a ouvert la porte aux jihadistes". Il prône le soutien franc et sans ambiguité de l'Occident au peuple syrien soulevé, même en fournissant les armes nécessaires à l'opposition, "car il s'agit d'une cause très juste de ce peuple qui lutte pour la démocratie". Il presse les Occidentaux, notamment les USA, d'agir en ce sens et conclut par cette phrase : "The longer the fight the greater the chance for extreme jihadism". Les Occidentaux, notamment Obama le lâche, ne font rien du tout. De son côté le tsar aveugle Poutine fournit à la dictature de Damas les armes les plus meurtrières et l'appui sans réserves aux massacres. Le résultat en est que le front al-Nosra et l'Etat isamique en Irak et au Levant (EIIL), autrement dit al-Qaeda, s'implantent et se consolident en Syrie. Malgré tout, le P. Dallo'Glio revient à Raqqa souis domination de l'EIIL. Il est victime de son idéalisme démesuré qui le pousse à se livrer gratuitement en fait aux hallucinés de cette organisation.

    Halim Abou Chacra

    06 h 24, le 22 octobre 2013

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